Saint Eutrope fut l’objet d’une dévotion telle dans la commune, qu’il supplanta peu à peu son prédécesseur Saint Pardoux dans le cœur
des fidèles de la paroisse. Voici son histoire.
Pendant les cinq premiers siècles de notre ère, aucun texte ne fut laissé sur Saint Eutrope. Ce n’est qu’au VIe siècle que Saint Grégoire évêque de Tours [1] nous apprend que la tradition à cette époque faisait remonter la mission de Saint Eutrope au temps du pape Saint Clément soit au Ier siècle.
Originaire de Grèce, Il aurait été envoyé par le pape
qui l’aurait consacré évêque, pour enseigner l’évangile dans le sud-ouest des Gaules. Selon ce récit, il s’installa à Mediolanum (aujourd’hui
Saintes) dans une cabane modeste, puis se hasarda en ville et dans les campagnes afin de prêcher la parole de Dieu.
Un jour le peuple s’étant rassemblé autour de lui, une jeune fille Eustelle, d’une beauté rare, et fille du légat du préteur des Gaules
se prosterna à ses pieds le suppliant de lui enseigner les secrets de la foi. Saint Eutrope la convertit mais s’attira la colère du
gouverneur Romain père d’Eustelle qui la chassa du palais. Celle-ci vint s’installer près de Saint Eutrope. Ne réussissant pas à la
faire revenir le gouverneur demanda aux bouchers de la ville d’aller mettre à mort Saint Eutrope. Ce qu’ils firent en faisant pleuvoir
sur lui une grêle de pierres puis des coups de fouet plombés, instrument ordinairement employé dans le supplice des martyrs, avant
de porter le coup de grâce en lui fendant le crâne avec une hache [2].
Eustelle prit soin du corps du saint et lui donna secrètement une sépulture dans sa maison. Pendant toute sa vie elle lui rendit avec une fidèle dévotion les hommages religieux. Avant de mourir elle demanda que ses restes soient déposés près du tombeau du saint. Ce qui fut fait.
Saint Grégoire raconte ensuite qu’au VIe siècle,
deux moines qui défrichaient le terrain où Eutrope avait vécu, retrouvèrent ses ossements et notèrent une profonde entaille sur son
crâne. La nuit suivante, pendant leur sommeil, ils eurent une vision de Saint Eutrope qui leur dit: ” sachez que c’est par cette
cicatrice qu’à été consommé mon martyr que j’ai supporté ”. Palladius alors évêque de Saintes averti de cette vision miraculeuse
fit déplacer le corps dans l’église de saint Etienne nouvellement construite puis dans une basilique qui prit plus tard le nom de
Saint Eutrope [2]. Palladius fit ériger un sarcophage dans la crypte de la basilique et exposer les saintes reliques.
Statue Saint Eutrope XVe siècle Beaumont du Lac Limousin [6]
C’est alors que le peuple apprenant que Saint Eutrope fut martyr, accourut pour vénérer le saint. Petit à petit le bruit se propagea
que ceux qui venaient le visiter bénéficiaient de cures miraculeuses. Ce fut le début d’une dévotion sans pareil qui attirait les
peuples par-delà les frontières des Gaules.
Ce culte se perpétra au fil du temps, et les restes de Saint Eutrope restèrent au même endroit jusqu’à la fin du XVIe siècle ou ils
furent brûlés par les protestants.
En 1843 on a retrouvé, lors de travaux de restauration de la crypte de l’église de Saint-Eutrope
à Saintes, un sarcophage monolithe fermé par un couvercle sur lequel était gravé ce seul mot : EVTROPIVS. Etait-ce bien le nom
du saint ? Etait-ce son cercueil ? Ces deux questions ont été résolues affirmativement par le savant Letronne en 1846 [3].
Cette histoire basée sur des récits propagés au cours des âges est cependant peu probable [2]. En effet les premiers missionnaires qui reçurent l’enseignement des apôtres vers 95 n’arrivèrent en Gaule qu’à cette époque alors que le pape Clément est mort en 77 et que les premiers martyrs que l’on cite dans les Gaules, ont été massacrés à Lyon en 177 [2].
Saint Eutrope aurait donc vécu au IIIe siècle, il était
peut-être grec, romain ou même aquitain. Il serait arrivé en Saintonge, alors païenne et romaine, en 236, et son martyr se serait
accompli sous le règne de Maximin (235-238) [2].
Son culte aurait été introduit en Auvergne au XVe siècle [6] et son patronage constaté
dans notre commune de Saint-Pardoux-la-Croisille en 1479 [7].
Tombeau de Saint Eutrope dans la crypte de l’église Saint-Eutrope, à Saintes [5]
Sources et Bibliographie
[1] Les livres des miracles et autres opuscules par Saint Grégoire, traduit
par H. L. Bordier, 1864.
[2] La France Pittoresque N°27 pages 25-26 -27 – Juillet-Août-Sept. 2008.
[3] Revue Archéologique Déc. 1845 et Fév. 1846 (mém. De l’Acad. Des Insc., t. XVII.)
[4] Dictionnaire général
et complet des persécutions souffertes par l’église, Paul Belouino et L’Abbé A. Sevestre, 1852.
[5] Site Internet: Histoire Passion de la Saintonge, l’Aunis et l’Angoumois.
[6] Grand livre des saints,
culte et iconographie en Occident, Jacques Baudoin, 2006.
[7] La Paroisse de Saint-Pardoux-la-Croisille:
Notice historique de M. l'Abbé J.-B. Poulbrière notablement améliorée par Marcellin Chastanet. Brive Imprimerie Catholique, 1925.
Statue Saint Eutrope XIXe siècle Eglise Saint-Pardoux-la-Croisille